Que doit faire l’Allemagne pour se relancer ?

Sortie sans gloire en phase de poules de la Coupe du monde 2018, reléguée en Ligue des Nations dans la foulée avant d’être sauvée grâce à un changement de format, l’Allemagne a manqué la qualification pour le Final Four de l’édition 2020/2021. Balayée 6-0 par l’Espagne, la Mannschaft a connu sa pire défaite dans un match en compétition officielle effaçant ainsi la défaite 8-3 contre la Hongrie lors de la Coupe du monde 1954. Un véritable séisme qui confirme la tendance qui se dégageait depuis 2-3 ans, l’Allemagne n’est plus un grand du football mondial. Un constat sévère, mais qui demandera une réaction assez rapide. Car dans environ sept mois les Allemands devront disputer l’Euro 2020 et auront fort à faire dans le groupe F avec la France, le Portugal et la Hongrie. En vue de cette échéance, les travaux sont donc nombreux pour Joachim Löw qui se fait assassiner par la presse allemande.

Pourtant, son départ ne semble pas encore d’actualité et le sélectionneur qui est là depuis 2006 pourrait continuer jusqu’à l’été 2021 et le Championnat d’Europe. Bild fait d’ailleurs état de la situation en expliquant que Hansi Flick (Bayern Munich) et Jürgen Klopp (Borussia Dortmund) sont des coachs qui plaisent à la fédération allemande (la DFB), mais la possibilité de les attirer est encore faible à court terme et ce sera vraisemblablement après l’Euro 2020 ou même la Coupe du monde 2022. Les noms de Ralf Rangnick (ancien coach du RB Leipzig) ou Stefan Kuntz (sélectionneur des Espoirs) reviennent aussi outre-Rhin. La question d’un départ de Joachim Löw se pose donc même si celui-ci ne devrait pas avoir lieu. Il a même été conforté dans ses fonctions par Oliver Bierhoff le directeur technique de la sélection.

Selon notre confrère de Fussball Transfers Lukas Hörster, cette décision masque avant tout un nouvel échec du sélectionneur : «son temps est révolu. Il a eu la chance de s’améliorer après la Coupe du monde 2018. Mais le match d’hier a montré qu’il n’était pas capable de le faire. Ce n’était pas seulement une défaite 6-0. L’Espagne était clairement meilleure dans toutes les statistiques. C’est historique et c’est une honte. La question que je me pose : combien de temps cela devrait-il durer? L’Allemagne a des joueurs de très haut niveau au meilleur âge et l’Euro aurait déjà eu lieu sans le Covid-19. Hier, il a joué avec sa meilleure équipe à l’exception de Kimmich et a perdu 0-6. Donc son projet a échoué.» Selon lui, la meilleure option pour prendre le relais est d’ailleurs disponible tout de suite à moindres frais : «quand vous voyez qui est libre, Rangnick est la seule option. Mais Löw restera. Le seul homme qui pouvait le virer est Bierhoff et ils sont ensemble à DFB depuis 2004.»

Un état d’esprit perdu

Au delà de l’échec de Joachim Löw qui espérait relancer son groupe après les échecs en Coupe du monde et lors de la première édition de la Ligue des Nations, c’est surtout l’envie qui fait défaut. Si bien que les Allemands qui étaient si fiers de leur équipe en 2014 y sont désormais moins attachés. Cela ne s’explique pas que dans les résultats, mais surtout par rapport à la motivation. «Tout d’abord, ici en Allemagne, il y a de très faibles sympathies pour l’équipe nationale depuis le Mondial 2018. Nous avons de grands joueurs, de nombreux joueurs qui ont récemment remporté la Ligue des Champions. Mais la plupart des gens sont déçus par la fédération allemande et surtout par Löw. Le principal problème d’hier n’était pas un manque de qualité (sauf en défense), car vous savez qu’il y a de très bons joueurs des plus grands clubs d’Europe. Mais la mentalité était une honte, avec un manque d’envie de gagner et des tactiques déroutantes» nous explique Lukas Hörster.

L’entêtement de Joachim Löw se fait d’ailleurs clairement ressentir avec un 3-4-3 qui ne fonctionne pas et dans lequel il insiste quitte à empiler les défenseurs. L’efficacité de cette décision ? 18 buts encaissés sur les 9 derniers matches et une moyenne de deux buts encaissés par match. Bien trop pour une équipe connue pour sa solidité. «Il est faux d’insister avec ses propres idées sur une équipe nationale (où vous ne pouvez pas vraiment construire une équipe au fil des années comme dans un club). Les meilleurs joueurs en meilleur état dans un système simple doivent y jouer. C’est la qualité qui gagne ou est-ce qu’un non-favori a déjà remporté la Coupe du monde ? Un bon exemple de la victoire au Mondial 2014, Löw voulait jouer avec Lahm en tant que numéro 6. Lahm voulait aussi. Mais tout le monde savait que c’était n’importe quoi, car il est le meilleur latéral droit. Après avoir failli échouer en huitième de finale contre l’Algérie, il a remis Lahm en tant que latéral droit et ils ont remporté le titre» rappelle Lukas Hörster.

Désormais consultant pour ARD, le champion du monde 2014, Bastian Schweinsteiger a fait un constat assez implacable : «vous n’êtes pas obligés de tout vomir du jour au lendemain, mais vous devez vous poser certaines questions. Vous devez changer quelque chose. Vous ne pouvez pas apparaître en tant qu’équipe nationale allemande comme ça. Il y a certaines valeurs qu’une équipe nationale allemande doit représenter. Et je n’ai pas vu ça sur le terrain aujourd’hui.» La volonté de toujours aller de l’avant et la combativité qui ont forgé les succès allemands ne se retrouvent pas dans un groupe aujourd’hui sans leaders.

Trouver la bonne formule en défense

Les joueurs qui devaient jouer le rôle de leader et qui ont gagné avec l’Allemagne en 2014 sont quasiment tous en fin de parcours ou retraités. Seuls, Manuel Neuer (Bayern Munich), Matthias Ginter (Borussia Mönchengladbach), Julian Draxler (Paris Saint-Germain) et Toni Kroos (Real Madrid) font toujours partie de cette équipe. Quatre éléments d’expériences qui ont néanmoins du mal à avoir un rendement suffisant en sélection mis à part Manuel Neuer et dans une moindre mesure Toni Kroos. Quand on se rappelle de 2014 où l’équipe était portée par Manuel Neuer, Philipp Lahm, Mats Hummels, Jérôme Boateng, Bastian Schweinsteiger ou encore Thomas Müller, la situation est toute autre désormais. Mis à part Manuel Neuer, cette équipe manque cruellement de tauliers dans l’équipe.

Time to take @JeromeBoateng back 🇩🇪 #ESPGER @DFB_Team

— Mesut Özil (@MesutOzil1088) November 17, 2020

Entre un Timo Werner qui a du mal à porter l’attaque, un Leon Goretzka qui doit encore confirmer ce qu’il produit avec le Bayern sous le maillot allemand ou encore un Kai Havertz qui alterne entre le terrain et le banc, difficile d’avoir des cadres forts au sein de l’équipe. Cela se ressent et Lukas Hörster voit un seul joueur de champ capable d’endosser ce rôle : «il n’y a pas de réponse concrète. Enfin si Kimmich manquait vraiment hier. Il est un vrai leader et obéit par le succès. Ils n’auraient pas gagné le match avec lui, mais ils n’auraient pas non plus perdu avec 6 buts encaissés … peut-être 3.» Écartés après la Coupe du monde 2018, les Bavarois Jérôme Boateng et Thomas Müller ainsi que le joueur de Dortmund Mats Hummels ne feraient pas de mal à une sélection en manque de cadres. Les deux premiers restent d’ailleurs sur une saison folle avec un triplé ponctué par un succès en Ligue des Champions. Hier soir, Mesut Özil a d’ailleurs demandé à ce que Jérôme Boateng retourne en sélection.

Trouver la bonne formule en défense

Se priver ainsi de trois éléments forts alors que le groupe est plein d’incertitudes n’arrange pas forcément la situation de l’Allemagne. «Les meilleurs joueurs doivent jouer pour l’équipe nationale» souligne Lukas Hörster avant de poursuivre : «son idée (à Joachim Löw ndlr) était de construire une nouvelle hiérarchie, mais cela ne fonctionne pas sans des défenseurs de qualité comme Hummels. Müller est le meilleur Müller que j’ai jamais vu. Pour moi, c’est un scandale d’ignorer cela. Aussi Boateng est toujours bon et a actuellement remporté la Ligue des Champions. Bien sûr que c’est bien mieux que Koch, Ginter, Rüdiger ou Tah. Maintenant, il fait encore des choses farfelues comme jouer à 5 ou faire venir Rüdiger, Koch, Ginter et Tah et tout le monde sait que Hummels et Boateng sont meilleurs. Mais Löw est trop borné pour changer son point de vue.»

Grosse interrogation, cette défense très friable n’a pas su être corrigée avec un passage à 5 défenseurs. Une décision qu’a prise Joachim Löw peu après la Coupe du monde, mais qui devient de plus en plus illogique, car elle a même un impact sur le secteur offensif où des éléments comme Kai Havertz doivent aller sur le banc et que même Marco Reus n’a pas fait partie des derniers rassemblements. «Je ne suis pas convaincu par une ligne de 5 défenseurs, car dans ce cas, nous faisons venir la plupart des joueurs en défense. C’est la partie de l’équipe avec le moins de qualité. C’est totalement faux de jouer par exemple avec Ginter, Koch et Rüdiger parce que vous devez laisser de côté un joueur comme Gündogan ou Havertz dans ce cas, car il n’y a plus de place au milieu de terrain. Toutes les meilleures équipes du monde jouent à quatre. C’est simplement plus offensif et attrayant et c’est comme ça que l’Allemagne devrait jouer» constate Lukas Hörster.

D’ailleurs, selon lui le système de jeu de Joachim Löw ne permet pas de tirer le maximum des qualités des meilleurs latéraux de l’équipe. «Nous n’avons pas de bons joueurs pour le couloir dans cette formation. Nos arrières latéraux Klostermann et Halstenberg jouent par exemple comme arrières centraux à Leipzig. ils ne sont pas bons en attaque pour un 3-4-3» ajoute Lukas Hörster. Cela a poussé à des tests surréalistes comme Matthias Ginter ou Thilo Kehrer en tant que pistons alors qu’ils sont défenseurs centraux. Remettre les joueurs à la bonne place ferait donc office de premier pas afin de rétablir le niveau de la sélection. Surtout que Lukas Klostermann et Marcel Halstenberg ont souvent joué comme latéraux dans une défense à 4 avec le RB Leipzig – même si c’est moins le cas récemment – et ont souvent apporté satisfaction.

Pas de nouveau Miroslav Klose

Autre soucis, le poste de numéro 9. Si le talent offensif ne manque pas en sélection allemande avec Leroy Sané, Serge Gnabry, Nadiem Amiri, Julian Brandt, Marco Reus ou encore Kai Havertz, Timo Werner est souvent pointé du doigt pour son efficacité. S’il est très bon dans le jeu, il a aussi de nombreux loupés devant le but et cela est inquiétant en vue des compétitions internationales. Sa doublure Gian-Luca Waldschmidt est aussi un bon joueur, mais il n’est pas un pur avant-centre. Pour en revenir au joueur de Chelsea, il a parfois évolué sur le côté gauche en sélection et c’est à ce poste que Julian Nagelsmann en avait tiré le meilleur au RB Leipzig lors des grands matches. «Le gros problème est un numéro clinique manquant 9 comme Gomez ou Klose» explique Lukas Hörster avant de poursuivre.

«Si j’étais sélectionneur, je nommerais un joueur comme celui-ci dans certaines circonstances où vous avez peut-être besoin d’un impact dans les dernières minutes. Un joueur décisif devant le but. Nous n’avons personne. On serait donc content avec Giroud.» Ce 9 capable de finaliser le travail de l’équipe, l’Allemagne n’en a plus. Max Kruse (32 ans) qui porte l’Union Berlin à la 5e place de Bundesliga et a déjà connu la sélection aurait pu être cet homme, mais sa relation avec Joachim Löw est catastrophique. Ce dernier l’avait écarté en mars 2016 pour son comportement et s’était justifié ainsi : «Max a montré à plusieurs reprises que son attitude n’était pas professionnelle et cela je ne l’accepte pas.» Nils Petersen (31 ans) titulaire en pointe de l’équipe vice-championne olympique en 2016 pourrait aussi remplir ce rôle, mais le joueur de Fribourg n’a pas été appelé depuis septembre 2018. Dernière option, Niclas Füllkrug (27 ans) qui réalise un bon début de saison au Werder Brême, mais qui n’a jamais connu la sélection allemande depuis les U20.

L’horizon est donc compliqué à ce poste où l’Allemagne a toujours remporté ses compétitions avec des gros buteurs devant. Lors des compétitions, il y a eu Helmut Rahn et Ottmar Walter au Mondial 1954, Gerd Müller à l’Euro 1972 et au Mondial 1974, Karl-Heinz Rummenigge et Horst Hrubesch lors de l’Euro 1980, Jürgen Klinsmann et Rüdi Völler lors de la Coupe du monde en 1990, Jürgen Klinsmann à l’Euro 1996 ainsi que Thomas Müller et Miroslav Klose en 2014. Ne pas trouver de buteur clinique en sélection allemande est donc une situation assez étonnante comme le souligne Lukas Hörster : «je me souviens des débats en Allemagne sur l’absence d’un numéro 9 de classe mondiale vers 2010-2014, mais nous avions Gomez, Klose, Kuranyi et Kießling. Plusieurs d’entre eux joueraient dans l’équipe nationale ces jours-ci.» Au tapis, l’Allemagne va devoir se relever de cette nouvelle désillusion. Les possibilités existent, les limites aussi, mais la Mannschaft peut les dépasser si avant tout elle retrouve son identité.

Source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.