Ljubicic sur les liens échecs-tennis : « Dans les deux cas, il y a la pression liée à la prise de décision »
« Cette partie contre Maxime Vachier-Lagrave vous a rendu célèbre !
(Rires.) Je suis devenu connu dans le monde des échecs et, petit à petit, j’ai été en relation avec d’excellents joueurs d’échecs comme Hikaru Nakamura ou Vladimir Kramnik, sans parler de Maxime, même si ça fait un bout de temps qu’on ne s’est pas parlé. C’est enthousiasmant pour moi d’être connu dans ce monde-là, même si je ne suis pas aussi bon que la plupart veulent bien le penser…
Qu’est-ce qui vous plaît, dans les échecs ?
Je jouais enfant avec mon père. En Croatie, les échecs font partie de notre culture. Après le journal des actualités à la télé, il y avait une émission de dix à quinze minutes tous les jours. Je n’étais vraiment pas fan de ces jeux vidéo où il faut réagir vite. J’aimais prendre mon temps. Après avoir coupé un moment, je m’y étais remis quand j’étais joueur. Ça me relaxait. Aujourd’hui, je suis un des plus grands fans des échecs, je suis beaucoup de choses, énormément de tournois en ligne. Toutes les semaines je regarde, je sais tout ce qu’il se passe. J’adore.
Quels sont les liens entre le tennis et les échecs ?
Il est intéressant de constater que pas mal de maîtres que je connais suivent le tennis. Il y a une connexion évidente entre ces deux mondes. Ce sont deux sports étroitement liés à la stratégie, où la tactique compte beaucoup. Dans les deux cas, c’est une bataille en un-contre-un, sans aucune aide extérieure. Vous voyez qu’il y a beaucoup de ressemblances. Bien sûr, le tennis est plus physique, le langage du corps y est plus marquant. Les échecs sont plus « mentaux », et on y joue davantage en aveugle.
« [Roger Federer] n’a pas la patience de s’asseoir durant des heures et penser au prochain coup qu’il va faire. Il veut attaquer, tout le temps ! »
Dans ces deux disciplines, il faut contrôler les émotions et les frustrations.
Oui, dans les deux cas, il y a la pression liée à la prise de décision dans les moments importants. Quand on est en position de gagner et qu’on est assez bon, on ne laisse aucune chance à l’adversaire de revenir dans le match, c’est pareil au tennis et aux échecs. Et ce n’est pas une surprise, pour moi, de voir qu’ils sont nombreux, sur le circuit, à apprécier les échecs. Il y a notamment beaucoup de préparateurs physiques et de kinés, et ils sont bons ! Mais sur le réel niveau des uns et des autres, c’est dur de savoir. Car pour la plupart d’entre nous, on joue en ligne dans notre chambre, tout seul.
Mais ils doivent être impressionnés par votre performance contre Vachier-Lagrave, non ?
Mais je pense que beaucoup sont meilleurs que moi. C’est juste que d’une manière ou une autre, j’avais réussi à briller contre Maxime. Je joue mieux contre les meilleurs… En tennis, c’était la même chose, d’ailleurs. Peut-être encore une similitude (rire).
Savoir jouer aux échecs vous aide-t-il dans le coaching ?
Je ne pense pas que ça fasse de moi un meilleur entraîneur. C’est juste que c’est une bonne manière de passer son temps libre, en faisant travailler son cerveau. On se distrait de manière intelligente.
Aviez-vous convaincu Roger Federer de s’y mettre quand vous l’entraîniez ?
Il joue, un peu. Mais il aime jouer les parties rapides. Il n’a pas la patience de s’asseoir durant des heures et penser au prochain coup qu’il va faire. Il veut attaquer, tout le temps ! »