Tennis – ATP – Noursoultan – Adrian Mannarino : « J’essaie de prendre du recul »

« Adrian Mannarino, comment analysez-vous votre match contre Emil Ruusuvuori ?
Je pense qu’il était un peu tendu au début du match. Il n’a pas très bien joué sur les deux premiers jeux (break au premier jeu). Ensuite, il s’est relâché et il est rentré dans le match. Il a commencé à très bien jouer. Tout au long du premier set, c’est plutôt lui qui domine et qui joue un peu mieux que moi. J’arrive à le breaker à cinq partout un peu contre le cours du jeu. C’est un très bon joueur avec qui je m’étais entraîné plusieurs fois en début d’année. Il joue déjà très bien et je trouve qu’il a un très gros potentiel. Il est très jeune (21 ans), il va continuer à progresser. Du fond du court, il donne l’impression de faire très peu d’efforts, il a un super timing, sa balle part vite de la raquette. J’étais un peu dépendant de ça, j’ai un peu subi. Heureusement, j’ai bien servi dans les moments importants car sinon ça ne passait pas. Je suis content.

Il y a une période où vous étiez très lassé de cette vie de bulle en bulle. Depuis Cologne, vous semblez être mieux. Que ressentez-vous ?
Je ne vais pas être faux-cul. Ce n’est pas parce que je gagne des matches que je suis forcément plus heureux d’être sur les tournois. Quoiqu’il arrive, c’est difficile en ce moment. On est plus ou moins obligé de jouer de semaine en semaine. Même si les « prize money » baissent et les conditions sont moins marrantes, au niveau du classement même si on ne perd pas les points, si on ne joue pas, d’autres joueurs nous passent devant. C’est un peu la course. Du coup, je me force à jouer. Je me suis blessé en rentrant de New York pendant mon match à Rome (contre Milos Raonic). J’avais une grosse lésion à la cuisse. Ça m’a pris un bon mois avant de pouvoir rejouer normalement. Toute la période sur terre battue, j’étais à 10 %. J’ai cru être rétabli pour Saint-Pétersbourg mais j’étais encore juste. Depuis mon arrivée à Cologne, je me sens mieux et j’ai le sentiment de pouvoir jouer à 100 % sur le court. Déjà que les conditions ne sont pas faciles, si on va sur les tournois de semaine en semaine en sachant qu’on n’a pas vraiment de quoi défendre ses chances, c’est déprimant. Pouvoir rejouer au tennis normalement m’a redonné de la gaieté au quotidien. Tennistiquement, je me sentais plutôt bien, c’est juste que je ne pouvais pas du tout courir ni pousser sur ma jambe droite. Je suis content que les résultats arrivent même si, comme tout le monde, j’aimerais qu’on puisse un peu plus profiter de la vie.

« J’essaie de ne pas trop penser. J’essaie d’être le plus professionnel possible, de faire mon job du mieux possible au quotidien. »

Adrian Mannarino

Vous n’êtes pas si loin d’une place de tête de série à l’Open d’Australie (39e mondial), est-ce que ça peut être un petit objectif pour entretenir la motivation ? 
J’essaie de me rattacher à des petits objectifs comme ça. Après, j’ai montré par le passé que je n’avais jamais réussi à gérer la pression quand j’avais des objectifs comme ça. À chaque fois, je me « cagoule ». J’essaie de ne pas trop penser. Je me dis :  »Fais le boulot, il reste trois tournois, tu es un joueur de tennis professionnel, tu vas au boulot comme tout le monde comme si j’étais boulanger ou postier. » J’essaie d’être le plus professionnel possible, de faire mon job du mieux possible au quotidien. Une fois que la saison sera terminée, je n’aurais pas de regret, j’aurais fait ce que j’avais à faire et le classement sera ce qu’il sera. J’ai envie de faire le job. Je peux avoir des regrets si je me mets à stresser et à perdre mes moyens pendant un match mais c’est humain. Pas faire les efforts au quotidien pour faire du mieux possible mon boulot, ce n’est pas terrible.

Pouvez-vous prendre du plaisir dans le jeu ? Bien jouer peut vous faire oublier les circonstances ? 
Oui. Quand on est sur un terrain, période de Covid ou pas, on est sur un terrain de tennis. Ça ne change rien. On peut enlever le masque (sourire). D’ailleurs, je trouve ça un peu ridicule de rentrer sur le terrain avec le masque. J’ai hâte que ça s’arrête. Après un point de vingt frappes, on crache nos poumons un peu partout. Le masque en rentrant sur le court, ça ne change rien mais bon… C’est encore un petit rappel de plus pour te montrer que c’est dur en ce moment. C’est un peu too much mais quand on est sur le terrain, on se vide l’esprit, on fait du sport et ça fait du bien. Il faut se rattacher à des petits plaisirs comme ça. J’adore le tennis, je prends beaucoup de plaisir quand je suis sur le court. Même quand je perds des matches comme à Cologne (6-4, 6-7, 6-4 contre Alexander Zverev vainqueur du tournoi), j’ai le sentiment de faire un très bon match et prendre du plaisir pendant trois heures. Je crois que mon entraîneur (Arnaud Agniel) était deux fois plus déçu que moi à la fin du match car lui ne voyait que le résultat. Moi j’avais pris du plaisir et j’étais content.

Ici, il peut aussi y avoir un trophée à la fin…
Ça serait bien mais j’ai quand même le don de passer à côté de mes finales (huit finales perdues) à chaque fois (rires).

Vous en avez gagné une à ‘s-Hertogenbosch l’an dernier. 
Oui je vais essayer de faire de mon mieux. Je vais rentrer sur le terrain en pleine possession de mes moyens et tout faire pour que ça se passe bien. En finale, on joue souvent contre des très bons joueurs, j’ai perdu des finales contre des super bons joueurs. Demain (dimanche contre Millman), c’est du 50-50. On a à peu près le même classement, il m’a battu deux fois en deux matches (deux fois en trois sets à Tokyo en 2019 et à Cincinnati en 2020) mais à chaque fois des matches assez accrochés. Je vais faire mon maximum pour avoir une petite satisfaction et arrêter de m’auto-détruire en me disant que je n’arrive pas à gérer les moments importants.

Pouvez-vous plus relativiser ?
J’essaie de prendre du recul même si c’est compliqué et qu’on ne profite pas autant qu’avant sur les tournois. Il y a des gens qui sont en bien plus mauvaise santé que nous et qui ont la vie bien plus dure. Il faut savoir prendre un peu de recul et se rendre compte qu’on est quand même privilégiés même si on est beaucoup moins privilégiés que d’habitude. On a quand même la chance de faire quelque chose d’assez sympa. »

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