PSG : l’affaire Kylian Mbappé, un tournant de l’histoire ?

Dans l’histoire du football moderne, il y a un avant et un après Jean-Marc Bosman. Le footballeur belge, en faisant appel à la Cour européenne, faisait éclater les règles en vigueur. La jurisprudence établit « l’illégalité des quotas de sportifs communautaires et de ceux de sportifs non communautaires ressortissants d’États ayant signé des accords d’association ou de coopération de l’Union européenne. C’est-à-dire que depuis cet arrêt, il n’est plus possible de limiter le nombre de sportifs des nationalités concernées dans une équipe ou une compétition professionnelle. » En d’autres termes, elle établit la mondialisation et la globalisation du football tel qu’on le connaît.

Le football pourrait-il connaître un nouveau changement ? Peut-être pas en termes légaux, mais au moins symboliques. Kylian Mbappé est à 22 ans déjà une star mondiale et il se retrouve à un an de la fin de son contrat au Paris SG, qui l’avait payé quelques 185 M€. Pour le moment, il refuse de prolonger son bail et donc préfère partir libre dans quelques mois. Ce serait un véritable camouflet pour le club de la capitale. «Financièrement, l’actionnaire du PSG peut assumer la mise sur le banc de Mbappé mais ce serait une situation perdante pour tout le monde», commence par expliquer Vincent Chaudel, économiste du sport pour l’Observatoire du Sport-Business, avant de poursuivre.

Verratti et Neymar se sont cassés les dents

«Avant l’arrêt Bosman, le mécanisme des quotas de joueurs étrangers donnait clairement l’avantage aux clubs. Le Mbappé des années 90 avait moins de choix car il devait discuter avec des clubs ayant moins de 3 stars étrangères dans leur effectif. Le rapport de force … Anelka, du fait de la rareté de son talent, a pu se permettre d’aller au bras de fer avec de grands clubs pour reprendre sa liberté : PSG, Arsenal, Réal Madrid, Liverpool, Manchester City, Chelsea …», explique-t-il à Foot Mercato.

Certes, le rapport s’est inversé. Une majorité de joueurs qui entament un bras de fer avec leur employeur (leur club) l’emportent. Mais dans le cas du Paris SG, ni Neymar, ni Marco Verratti, qui ont voulu partir à un moment donné, n’ont réussi. Seul Adrien Rabiot a réussi à partir, mais il a été écarté pour la fin de son contrat et donc de son aventure.

«Si Paris était un club costaud, il lui mettrait la pression»

Mais revenons au départ, où tout a commencé. En signant cinq années en 2017, en préférant le Paris SG au Real Madrid et à Liverpool, Kylian Mbappé voulait être à une étape intermédiaire. Mais le club a grandement évolué et a déjà fait une finale de Ligue des Champions et une autre demi-finale. Dans ce cas de figure, le Paris SG s’y est peut-être pris trop tard.

« Je pense qu’en première lecture, le Paris SG s’y est pris très tard, pas à temps avec un joueur de son statut. Tu ne peux pas attendre autant de temps, le timing n’a pas été respecté. Cela s’est déjà passé, tu donnes la possibilité au joueur d’avoir le pouvoir. On peut se dire aussi que signer une star qui va nous couter un bras, est-ce qu’au final investir autant est un gage de sécurité ? Je ne pense pas. Si Paris était un club costaud, il lui mettrait la pression, mais en l’état, ils ne le feront jamais », avance un agent fin connaisseur des grands d’Espagne.

Des questions économiques et d’image

Au-delà de l’aspect purement sportif, un départ libre poserait énormément de questions. Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport, s’est intéressé à ces questions : « le départ du PSG signerait la fin d’un chapitre, celui d’un QSI qui va enfin en finale de la Ligue des Champions, et les limites du projet. Ce serait un mauvais signe envoyé au monde pour 2022. » Économiquement aussi ce serait un problème.

« Économiquement, ce sont des maillots en moins, une image qui est altérée et non comblée par Neymar, qui est plutôt sur le dernier tiers de sa carrière. Ce départ poserait aussi des questions sur l’attractivité du PSG et de la légitimité. Est-ce que le PSG est un grand club européen ou un club de mercenaires ? D’un point de vue stratégique, ce sera une faute et pas sûr que Doha accepte ça. Cela montrerait que ça manque de crédibilité et ça affecterait l’image et les renverrait dans une seconde cour européenne, celle des nouveaux riches, des parvenus », poursuit Jean-Baptiste Guégan.

Sur le volet des droits télévisuels et du championnat de France, cela pose aussi un souci. En effet, quand Amazon s’introduit sur le marché et dépense de l’argent, c’est aussi pour avoir Kylian Mbappé à proposer à ses abonnés, tout comme Canal +. Cela prouverait aussi, finalement, l’impossibilité de la Ligue 1 à conserver ses talents alors qu’on attend aussi cela du vice-champion de France en titre.

L’intérêt pour Mbappé

De son côté, le joueur a beaucoup d’intérêts. D’une part financier comme nous l’explique l’agent susmentionné : «on est dans une situation économique délicate, les clubs n’ont pas la surface financière pour faire ce genre de mouvement. Par exemple, quand on contacte Florentino Perez et qu’on dit qu’il reste un an de contrat et que le PSG va demander 60 ou 70 M€, plus le salaire… Cela fait des chiffres assez gros déjà. Même si c’est échelonné sur X années, Florentino va faire un ratio et dire qu’il ne peut pas payer à un an. En revanche, ce qu’il peut faire, c’est proposer au joueur qu’il fasse sa dernière année de contrat et lui donner 35 M€ à la prime à la signature et un salaire légèrement supérieur à ce qu’il aurait eu. En général, le joueur est d’accord avec ce procédé.»

Après un Euro éprouvant, décevant et où il a été pointé du doigt, il retrouverait peut-être un peu de sérénité loin de l’Hexagone. «Cela pourrait avoir un impact positif sur lui, celui de la tranquillité et de ne pas avoir à subir la vindicte populaire alors qu’il est injustement montré du doigt», explique Jean-Baptiste Guégan.

Mais quelle image laisserait-il ? Vincent Chaudel a sa petite idée et avance qu’il écornerait forcément son image : « pour le moment, il se construit une image de « gendre idéal » à la Federer mais mal gérée, sa sortie du club pourrait lui attacher une image de mercenaire». Pour autant, même s’il est dans son bon droit en respectant scrupuleusement son contrat, il s’attirerait probablement les foudres de ses supporters, qui vont nécessairement être déçus s’il ne rapportait pas quelques deniers au club.

Quelles sont alors les solutions à l’heure actuelle ?

«Dans 3 ans, il aura 25 ans, ce qui est en général, l’âge du pic sportif et économique. S’il part en 2024 … Au Real, s’il veut y aller, il aura le temps d’y écrire une balle page de sa carrière», nous explique Vincent Chaudel.

Il pourrait alors négocier avec son club une sorte de clause de sortie en prolongeant. Alors, certes, celles-ci ne sont pas reconnues en France par la Ligue de football professionnel (LFP), mais ce serait un acte sous seing privé. C’est une méthode relativement connue et utilisée et elle mettrait tout le monde d’accord. Enfin, sauf s’il veut vraiment partir libre, dans un an…

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