Open d’Australie (H) – « Je me sens vidé en fait », souffle Benoît Paire après sa qualification à l’Open d’Australie

« Le début d’année n’a pas été simple pour vous, avec un test positif au Covid et un isolement de sept jours dès votre arrivée en Australie. Comment avez-vous géré cela ?
C’est dur. Les règles, j’ai toujours du mal. Pour moi, quand tu fais tout ce qu’il faut pour être justement dans les règles, tu devrais au moins avoir la récompense de te dire je suis libre. Au final, en faisant tous les vaccins, les tests PCR avant de partir, bam, j’arrive et je me retrouve encore bloqué pendant sept jours à Melbourne ! C’était la seule crainte que j’avais : arriver ici et être positif. J’aurais préféré être positif avant de partir et faire les jours chez moi.

Depuis un an et demi, deux ans, je ne suis pas vraiment dans mon état, mentalement et physiquement, est-ce que ça joue ? C’est dur de se remettre de ces trucs-là. J’ai déjà fait 14 jours il y a un an ici, je refais 7 jours cette année, j’ai fait 14 jours à l’US Open, j’ai été cas contact plein de fois. J’ai déjà du mal à accepter cette maladie, tout ce qui se passe dans le monde et dans ma tête, je me sens vidé en fait. Je ne pense pas vraiment au tennis, à gagner mes matches, je pense plus à qu’est-ce qui se passe, comment se fait-il que ce soit comme ça ? Tu arrives à Melbourne, un tournoi que j’adore, et tu t’aperçois que tout a changé, ce n’est plus la même ville que je connaissais. J’ai du mal à accepter beaucoup de choses et sur mon tennis, mon état en général, ça se ressent. Je suis plus tendu, plus nerveux. Le tennis m’importe un peu moins, alors que c’est ce que j’aime normalement. J’ai du mal à gérer en fait.

« Je n’ai pas toutes les réponses à ce qu’il se passe, pourquoi il y a des jours où je suis moins bien, pourquoi il y a des jours où je suis bien »

Justement, un match et une victoire comme celle-là, dans une bonne atmosphère, avec beaucoup de soutien, ne peut-elle pas vous faire du bien et vous rebooster ?
Je ne sais pas. Je ne vais pas mentir, je ne sais pas ce que ça peut me faire. J’ai déjà eu des bons passages l’année dernière, à Cincinnati où je fais quart de finale. Et derrière, je fais une fin de saison catastrophique en étant complètement à côté de la plaque. Ce que je sais, c’est que recevoir ce soutien-là, c’est quelque chose qui me touche, qui me fait beaucoup de bien. Je suis assez sensible et de voir ça, je me dis :  »Tu te dois quand même de faire quelque chose pour eux, pour toi. » Arriver aujourd’hui avec cette ambiance, est-ce que c’est cela qui me porte ? Ça m’aide beaucoup. Mais je n’ai pas toutes les réponses à ce qu’il se passe, pourquoi il y a des jours où je suis moins bien, pourquoi il y a des jours où je suis bien. Mais je vais savourer ce moment où j’ai été bien.

« J’étais en train de me poser des questions, si ça servait vraiment à quelque chose que je joue au tennis.

Sur le plan de votre jeu, quel bilan tirez-vous de ce premier tour ?
Mon jeu, c’est très positif. À partir du moment où je peux bouger les jambes, où je ne me sens pas essoufflé comme je l’ai été à Adélaïde et à Melbourne pour le 250, je suis heureux. Jouer Thiago (Monteiro), un mec que j’adore en plus, c’était génial pour nous deux. Ce n’est bien sûr pas le meilleur tennis de ma vie que je joue, mais je sers bien, j’arrive à bouger et dans les moments importants, j’ai su gérer la pression. C’est ce que je retiens. J’ai pris du plaisir aujourd’hui à jouer au tennis et à me battre. Je ne retiens vraiment que du positif de ce match. J’ai été pénible en plus ces derniers jours avec ma copine, mes parents, etc. J’étais en train de me poser des questions, si ça servait vraiment à quelque chose que je joue au tennis. Pour être sur un court et faire ce que j’ai fait la semaine dernière sur Kokkinakis (défaite 6-4, 6-0), je préfère rester à la maison.

Vous en étiez vraiment à vous poser ce genre de question ?
Oui, j’en étais vraiment à me poser ce genre de question. D’habitude quand je perds un match, ça me touche, ça m’attriste. Là, ça ne me touchait même pas. Je me disais :  »J’ai perdu, je n’étais pas bien sur le court, en fait je suis mieux quand je suis à la maison, tranquille. » Je me posais vraiment beaucoup de questions, à savoir si ça valait le coup de continuer.

Comment auriez-vous vécu la situation si vous aviez été à la place de Novak Djokovic ?
C’est un sujet très difficile à aborder. Je ne sais pas trop quoi en dire. Moi, je suis vacciné, toute ma famille est vaccinée, je suis à fond pour le vaccin, je l’ai toujours dit.  »Djoko », je n’ai rien contre lui, je l’aime bien, mais sur le règlement, sur ce tournoi en tout cas, il n’avait pas tout ce qu’il fallait pour pouvoir venir. C’est lui qui prend la décision de venir, c’est lui qui prend la décision de ne pas se vacciner aussi. Ce sont ses choix. Après, il faut assumer. C’est sûr que c’est triste de voir un mec comme Djokovic arriver ici et être traité comme un criminel. Pour moi, on se vaccine, on ne se vaccine pas, chacun ses choix, mais j’aimerais juste qu’une fois qu’on a fait son choix, on puisse revivre normalement. Je suis triste pour lui, mais les règles c’est les règles ici.

« Si on est vacciné, je pense que l’on devrait pouvoir avoir la vie d’avant »

Qu’est-ce qu’il vous manque, aujourd’hui, pour retrouver le sourire et le plaisir de jouer pleinement ?
Retrouver la vie d’avant. C’est aussi simple que ça. J’aime communier avec les gens, j’ai envie de voyager et ne pas avoir cinquante documents à donner, j’ai envie d’arriver et ne pas me dire  »ah la la, j’ai un test à faire, est-ce que je vais être positif ou négatif » ? En Australie, j’avais prévu d’arriver, de faire une ATP Cup où je me serais régalé. Là, j’ai le nez qui coule, on me dit :  »Benoît, tu as sept jours enfermé dans ta chambre, tu ne joues pas l’ATP Cup, tu dois faire ça, tu dois faire ci, tu n’as pas le droit de bouger, tu ne dois faire que des Uber Eats ! » (livraison de plats)

J’aimerais me dire, je reviens, j’arrive sur un tournoi, c’est comme avant. Toutes ces règles, tout ce qui se passe en ce moment fait que dans ma tête, je ne suis pas bien. Je suis pro vaccin, mais quand je vois que tout referme en France alors que tout le monde fait ce qu’il faut, se vaccine, à quoi sert le vaccin si on en revient à ne pas pouvoir aller en boîte de nuit, à ne pas pouvoir aller au restaurant ? Ça sert à quoi finalement ? Si on est vacciné, je pense que l’on devrait pouvoir avoir la vie d’avant. Arriver dans un tournoi où il y a toutes ces règles, ça m’oppresse. Je ne me sens pas bien. »

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