Roland-Garros – Fiction – Tennis fiction : Roland-Garros 2022 en Djokovision

Novak Djokovic sort son premier service d’à peine10 centimètres. Avec cette intonation si caractéristique de la SNCF, le Vocaloid-5 (1) scande aussi sec : « BNP Paribas ! ». Seconde balle, faute de pied : « Rolex ! ». Le Serbe ne moufte pas. De toute façon, il n’y a personne à blâmer autour de lui. Les pros n’ont mis que quelques jours, en janvier dernier, à s’habituer aux annonces sponsorisées que le comité du Grand Chelem a validées depuis le début de cette saison 2022. Après tout, pourquoi crier « Out ! » ou « Fault ! » quand on peut placer le nom d’un sponsor de façon suffisamment répétitive – des dizaines de fois par match – pour qu’il s’ancre bien comme il faut dans le subconscient du téléspectateur ?

Tout le monde se demande aujourd’hui comment on a pu douter de l’efficacité du nouveau protocole d’arbitrage, enfin expurgé de ces cohortes de juges de ligne qu’il fallait transporter, habiller, nourrir, respecter et ne pas allumer en cours de match. Il y a deux ans, Djokovic avait bien eu raison d’initier le mouvement de la déshumanisation du tennis, en plein Roland-Garros automnal, quand tous les stades ou presque sonnaient (co) vide mais qu’il offrait encore son coeur en partage, après chaque victoire, aux fantômes installés aux quatre coins des gradins.

« Balls, please »

Le numéro 1 mondial se régale sur ces nouveaux terrains de jeux désertiques, qu’il n’occupe qu’avec son seul adversaire, séparés qu’ils sont des spectateurs par ces immenses parois en plexiglas. D’ailleurs, il a parfaitement digéré sa faute de pied : si la machine le dit, la machine a raison. L’hologramme assis sur la chaise d’arbitre annonce « 30-15 ». Djokovic se retourne, lance un : « Towel ! ». Le petit buggy télécommandé quitte son box Lacoste sur les chapeaux de roues, serviette impeccablement pliée dans sa remorque Emirates. Une fois essuyé, Djoko s’adresse à la bâche de fond de court : « Balls, please ». Le système souterrain de conduite des balles, importé de l’univers du bowling, qui a permis de se débarrasser des ramasseurs, éjecte avec une précision chirurgicale trois pelotes immaculées en direction du numéro 1 mondial. Il en choisit deux, renvoie la troisième vers la rigole, afin qu’elle soit aspirée pour rejoindre ses consoeurs au purgatoire, en attendant son heure.

Comme d’habitude (122e victoire de suite depuis l’US Open 2020 !), Djokovic finit par remporter son match, en l’occurrence sur un ace compte triple (4-1, 5-3, 4-2 en 57 minutes). Il quitte le court et grimpe sur le tapis roulant installé à la sortie du Chatrier, transporté illico vers la voiture autonome qui le ramène sans chauffeur à son hôtel. Durant le trajet, il répond sur sa montre connectée aux questions des fans, présélectionnées sur les réseaux sociaux par un logiciel bienveillant. Ne reste plus à l’intelligence artificielle GPT-3 (2) qu’à écrire un article de 520 mots. Voilà, c’est fait.

(1) Logiciel de synthèse vocale produit depuis 2004 par Yamaha, dont la dernière version date de 2018.

(2) Modèle de langage statistique développé en 2020 par la société OpenAI.

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