Ligue des Champions : l’histoire du 3-5-2 de Laurent Blanc

Après le Barça et le Bayern Munich, c’est un autre mastodonte européen que va devoir affronter le PSG en Ligue des Champions. C’est le lot de toutes ces équipes en quête du Graal. Pour cette double confrontation en demi-finale, c’est le Manchester City de Pep Guardiola (à suivre en live commenté sur notre site) qu’il faudra écarter de son chemin. Souvent qualifiées de nouveaux riches du football depuis l’arrivée de leurs investisseurs du Golfe, les deux équipes n’ont pas un grand vécu en commun. Il y a bien eu une rencontre de Ligue Europa en 2008, la préhistoire tant l’époque a changé. Et puis, il y a ces souvenirs compliqués du printemps 2016 si on prend le point de vue parisien. On résume souvent cette élimination en quart de finale de C1 au fameux 3-5-2 dessiné par Laurent Blanc et son staff, mais on oublie trop souvent que ce coup tactique manqué a été la conséquence de beaucoup d’éléments. Un effet domino qui naît de la fameuse vidéo périscope d’Aurier. Magnéto Serge.

« Laurent Blanc il fait souvent la folle ou pas ? – C’est une fiotte ! » Exemplaire sur le terrain, titulaire indiscutable et parmi les meilleurs du monde à son poste, le latéral droit dérape complètement cette nuit du 13 février 2016. Accompagné d’un ami qui lui pose les questions des internautes, Aurier répond sans filtre sur la vie du vestiaire parisien en des termes homophobes et insultants. Outre l’entraîneur, Ibrahimovic en prend pour son grade, Sirigu aussi, «il est guez frère», et Van Der Wiel, son concurrent au poste, «c’est de l’eau». Évidemment, cette affaire ne passe pas du tout au PSG. Le gars de Sevran a beau s’excuser, il est mis à pied durant six jours et envoyé en réserve jusqu’au 20 mars. «La sanction la plus adaptée à la situation», constate un Laurent Blanc écœuré par la vidéo. «Je l’ai très mal pris, je trouve ça pitoyable.» Surtout, cette affaire puante tombe mal, à un moment clé de la saison.

La vidéo périscope comme point de départ

Quelques jours après l’incident, le PSG reçoit Chelsea en 8e de finale aller de la Ligue des Champions. Il ne pense qu’à cela depuis le tirage au sort deux mois auparavant. De plus, les Blues font de nouveau peur depuis le départ de Mourinho. Privé de son «gars sûr» à l’aller comme au retour, Blanc opte pour Marquinhos dans le couloir droit, plutôt que le fébrile Van der Wiel. Un choix payant puisque le club français passe au tour suivant après deux succès étriqués (2-1, 2-1). Cette histoire tombe un peu dans l’oubli durant la suspension. Le quotidien du championnat reprend le dessus. Paris est même sacré champion après avoir cogné Troyes 9-0, mais voilà que la sanction prend fin à partir de la 32e journée du championnat. Revenu en équipe première, le joueur de 23 ans n’est pas convoqué par Laurent Blanc. Face à Nice, premier match après la trêve internationale, le Cévenol fait un peu tourner. Ongenda est notamment titulaire, car quatre jours plus tard, c’est le grand rendez-vous des quarts de finale contre Manchester City.

L’ancien Toulousain fait cette fois partie du groupe, mais la communication du club commence alors à manquer de clarté. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup et le couperet tombe à l’annonce des compositions. Ce 6 avril, Aurier est titulaire dans le couloir droit. Il n’a plus joué à ce niveau depuis le 10 février. Ce choix interroge, d’autant que Marquinhos a réalisé un intérim intéressant à un poste qui n’est pas le sien, et que Van der Wiel est aussi disponible. Mais avec l’Ivoirien, ce PSG est plus fort. Depuis son arrivée à l’été 2014, c’est 80% de matches remportés lorsqu’il est sur le terrain, contre 69 % sans lui. Encore faut-il mesurer le niveau physique du joueur et, surtout, l’impact mental d’une histoire dont tout le monde se serait bien passé. Depuis le début du feuilleton, les supporters en ont beaucoup après Aurier. Le vestiaire est remonté, à défaut d’être divisé, alors que Blanc ne souhaite plus entendre parler de lui. C’est la direction qui tranche.

NAK tranche en faveur d’Aurier

Conscient de détenir un joueur en pleine progression, à la forte valeur marchande, francophone, enfant de la région parisienne qui plus est, Nasser Al-Khelaïfi décide de réintégrer le vilain petit canard, désavouant au passage son entraîneur, prolongé de deux ans quelques semaines auparavant. Autrement dit, les deux hommes vont devoir cohabiter. Challenge compliqué pour ne pas dire impossible. C’est dans ce contexte que ce premier round a lieu dans un Parc des Princes hostile à Aurier. Et comme on pouvait s’y attendre, le latéral n’y est pas. Ses partenaires non plus d’ailleurs. David Luiz écope d’un carton jaune après 17 secondes, Hart stoppe un penalty d’Ibrahimovic au bout de six minutes puis une tête du Suédois dans la foulée, qui, en manque de confiance, rate complètement un face à face quelques instants après. Sans Verratti, absent depuis de longues semaines (déjà) pour un problème de pubalgie, ce PSG n’affiche pas la même maîtrise.

Les erreurs s’accumulent au milieu et City finit par en profiter, De Bruyne ouvrant le score contre un Trapp pas décisif. Pourtant, cet adversaire est loin d’avoir le niveau qu’on lui connaît aujourd’hui. La défense de Pellegrini composée de Sagna, Otamendi, Mangala et Clichy est prenable, le double pivot Fernando-Fernandinho n’a rien d’un épouvantail. Ibra profite même d’une erreur incroyable de l’actuel joueur de Séville pour égaliser. La machine parisienne semble partie, Rabiot donnant l’avantage en seconde période, tandis que l’attaquant suédois voit sa tête rebondir sur le barre. Ce temps fort sera de courte durée. Dans le dur physiquement, Aurier rate son contrôle. Le ballon file plus loin jusqu’au centre de Sagna. Revenu défendre en position de défenseur central, l’Ivoirien manque son interception. Fernandinho surgit pour frapper dans le but malgré le retour de Thiago Silva. Fébrile, maladroit, coupable, le PSG concède le nul 2-2 et s’est mis en difficulté pour le retour une semaine plus tard. Vient alors une idée à Laurent Blanc.

Le coup tactique improvisé par Laurent Blanc

Plombé par les suspensions de David Luiz et Matuidi, et par la blessure de Verratti, le coach parisien commence à être à court de solutions. Si fort habituellement et moteur de l’équipe, le milieu de terrain à trois s’est révélé être le talon d’Achille cette fois. Il faut trouver une solution tactique pour répondre au 4-2-3-1 emmené par De Bruyne, David Silva et Agüero, et, avant toute chose, surprendre l’adversaire. Jamais depuis son arrivée dans la capitale en 2013, l’entraîneur parisien n’a échangé son 4-3-3 pour un autre système, circonstances de match exceptées. À 48 heures avant le coup d’envoi à l’Etihad, Blanc et son staff couchent un 3-5-2 sur un terrain, sans ballon. La séance consiste simplement à expliquer les positions, le travail de couverture ou les combinaisons possibles. Les joueurs prennent alors cet exercice pour un éventuel plan B en cas de pépin durant la rencontre. Ça sera d’ailleurs la seule préparation en amont de ce dispositif puisque lors du dernier entraînement, ils évoluent en 4-3-3.

Seulement, le ver est dans le fruit. Ou plutôt dans la tête de Laurent Blanc, lequel est le principal initiateur de ce coup tactique. À l’annonce de la composition, une surprise totale gagne le vestiaire. Aurier, Thiago Silva et Marquinhos formeront la défense derrière une ligne composée de Van der Wiel, Rabiot, Motta, Maxwell et Di Maria un cran plus haut, qui sera chargé de soutenir le duo Cavani-Ibrahimovic. La recette miracle tourne à la catastrophe. Aurier est notamment en grandes difficultés, coupable d’une première erreur, puis d’une seconde qui aboutit à un penalty concédé par Trapp que va manquer Agüero, et encore d’une troisième. Paris tient le ballon à hauteur de 67% à la pause, mais ne s’est pas procuré une seule situation, si ce n’est un coup-franc lointain d’Ibra. Rien ne va d’autant que Motta sort sur blessure. Blanc décide alors d’attaquer la seconde période en 4-2-3-1 avec l’entrée de Lucas, et même de repasser au 4-3-3 pour la dernière demi-heure en sortant Aurier (FM lui a attribué la note de 2) à la place Pastore. En optant pour un 3-5-2, le technicien voulait surprendre City, il a principalement réussi à désorienter ses propres joueurs.

Une élimination qui ne passe pas au PSG

Rien ne va dans ce match bizarre, lent, sans véritable favori, même si le club français apparaît mieux armé, le PSG finit par s’incliner 1-0 sur un joli but de De Bruyne, encore lui, à la 76e minute. «Je suis responsable : c’est moi qui ai fait l’équipe, choisi les joueurs, la stratégie. Quand on gagne, les joueurs sont responsables et quand on perd c’est l’entraîneur le responsable. Mais je la prends pour moi, cette défaite, aucun problème. Je ne me débine pas», tranche Blanc face à la presse. Encore aujourd’hui, on se demande bien quelle mouche a pu piquer l’ancien sélectionneur, mais il n’est pas le seul responsable. Attendu au tournant, Ibrahimovic n’a jamais répondu présent durant cette double confrontation, son dernier rendez-vous en C1 avec le club. En fin de contrat, le charismatique numéro 10 devait partager l’attaque avec Cavani. L’Uruguayen non plus n’a pas brillé, lui qui, toujours aligné sur le côté gauche, avait cette fois l’opportunité d’évoluer dans l’axe au match retour, la position qu’il allait occuper à l’avenir.

Le syndrome des quarts de finale est alors à son apogée à Paris, moqué pour ne jamais briser ce plafond de verre. Cette élimination passe également très mal à Doha car elle intervient face au grand rival géopolitique du Qatar, son voisin et ennemi, les Émirats arabes unis, Manchester City étant la propriété du cheikh Mansour ben Zayed al-Nahyane, membre important de la famille dirigeante de l’émirat d’Abu Dhabi. C’est un véritable affront dont Laurent Blanc ne se remettra pas. Malgré une prolongation signée durant l’hiver, le Président est licencié en fin de saison. Plus que son éviction ou cette défaite, la gestion du cas Aurier ne sera pas digérée de sitôt. Il le rappelait en 2019 à BeIN Sports. «Il faut avoir trois têtes responsables du club. Un coach, un directeur sportif et un président. L’entraîneur doit être pris pour ses compétences footballistiques et de management, mais dès que ça touche à l’institution, c’est le club qui doit prendre les bonnes décisions et aider l’entraîneur.» Un petit tacle directement adressé à Nasser Al-Khelaïfi. Aujourd’hui, c’est une histoire ancienne. Le PSG a passé un cap mental, sa renommée s’est encore développée, mais cette élimination de 2016 a laissé des traces. Le 3-5-2 et Serge Aurier sont loin, c’est maintenant l’heure de la revanche.

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