Espagne : l’accord avec CVC veut permettre à la Liga d’entrer dans une nouvelle dimension mais…

Les amateurs de football espagnol sont habitués de ces guerres – souvent d’égo – intestines. Quand ce n’est pas la Liga de Javier Tebas qui se clashe avec la Fédération de Luis Rubiales, ce sont les clubs qui s’en prennent à l’un ou à l’autre, voir même se tirent dessus entre eux. Ces dernières années, entre projets de délocalisation de rencontres de championnat, polémiques liées à la sélection, organisation de la Supercoupe en Arabie Saoudite, droits TV et bien plus encore, on a eu droit à de sacrés feuilletons… Et ce, à l’heure où la Liga semble perdre du terrain par rapport aux autres championnats du Vieux Continent. Même si ces dernières semaines de championnat ont offert de sacrées rencontres – il était temps diront certains – il y a encore un sujet qui oppose les têtes pensantes du football ibérique : l’accord entre la Liga et CVC.

Tout a commencé l’été dernier, alors que beaucoup de clubs espagnols ont traversé des mois difficiles en raison de la crise du covid. Globalement, la plupart ont réussi à tenir le cap, notamment grâce à ce système de fair-play financier propre au championnat espagnol. Quelques mauvais élèves tout de même, comme les écuries qui étaient déjà dans le dur avec une gestion scabreuse, comme le FC Barcelone et Valence. Les autres, la majorité, ont su s’en sortir en faisant des économies et en étant très prudents sur le mercato. On peut le dire, ils ont compté leur sous, et c’est donc pour cette raison qu’ils ont très peu recruté l’été dernier (293 millions d’euros au total, contre 384 pour la Ligue 1 par exemple). Il faut aussi dire qu’en dehors des aides appliquées à toutes les entreprises, comme le chômage partiel pour les employés, les clubs du championnat ibérique n’ont bénéficié d’aucune aide, et ont en quelque sorte été livrés à eux-mêmes. Les clubs anglais, déjà dans une situation moins délicate grâce aux revenus liés aux droits TV, ont pour beaucoup pu bénéficier de prêts gouvernements, tout comme les formations de Ligue 1 ont été aidées par ce fameux prêt garanti par l’État.

De l’argent, mais pour quoi faire ?

Sur la durée, le temps de se remettre de tout ça sans coup de pouce extérieur, les écuries espagnoles risquent donc de prendre du retard. D’où l’apparition de LaLiga Impulso – le nom du projet CVC – dans l’équation. Au total, les 42 clubs professionnels – première et deuxième division – empocheraient au total entre 2 et 2,7 milliards d’euros, répartis selon plusieurs critères : statut du club, audiences et popularité et proportionnellement aux sommes reçues par chacun en termes de droits TV. Pour résumer, les clubs les plus populaires que sont le Real Madrid et le Barça auraient droit à une part du gâteau bien plus grosse que Levante ou Cadiz. Les deux géants du football espagnol toucheraient entre 250 et 270 millions chacun avec cet investissement. On utilise le conditionnel car on verra par la suite que les frères ennemi du balompié ne goûtent pas vraiment à tout ça…

De belles entrées d’argent pour les clubs, mais elle seront encadrées. Les dirigeants ne pourront pas faire ce qu’ils veulent de cet argent. Concrètement, Javier Tebas souhaite que cet argent soit utile et productif sur une vision à long terme. Le but n’est pas que les équipes de Liga dépensent tout dès le prochain mercato, mais qu’elles renforcent les bases sur lesquelles elles sont assises et réalisent des travaux dont l’utilité sera visible d’ici quelques années. 70% des sommes perçues devront ainsi être destinées aux infrastructures et innovation technologique (rénovation du stade, centre d’entraînement, développement sur le web et les réseaux sociaux etc), 15% à combler les trous sur le plan financier et enfin, seulement 15% du total alloué à chaque club pourra être destiné à l’effectif (salaires, transferts etc). Autant dire que ce n’est pas avec cet argent qu’on verra Haaland débarquer à Alavés ou Mohamed Salah filer en direction du Rayo Vallecano. En revanche, avec cet accord, les stades espagnols auront notamment un meilleur rendu télévisuel ou des centres d’entraînements plus performants, ce qui leur permettra d’être plus bankables et/ou performants.

Les contreparties polémiques

Sur le papier, c’est bien beau tout ça. Mais forcément, CVC reste un fonds d’investissement et compte bien profiter de certains avantages en retour. La société britannique empochera ainsi 9% des revenus des droits TV des clubs, ainsi que 8% des revenus de la société commerciale de la Liga… sur les 50 prochaines années. Les clubs ne recevront donc pas l’intégralité de l’argent qu’ils génèreront, et ce pendant un demi-siècle. Et ça passe mal en Espagne. Déjà, car beaucoup estiment que négocier dans une situation de crise porte préjudice à la Liga, puisque sa valeur réelle serait bien supérieure aux fonds injectés par CVC. Il y a aujourd’hui trois clubs qui sont les portes drapeaux de cette lutte contre LaLiga Impulso : le FC Barcelone, le Real Madrid et l’Athletic qui, en plus d’être les trois clubs qui n’ont jamais connu de relégation, sont aussi trois des rares clubs espagnols à toujours fonctionner sous le modèle de socios, ayant échappé à la loi qui obligeait les clubs de foot à passer sous le statut juridique des SAD dans les années 90.

« L’Athletic Club, le FC Barcelone et le Real Madrid indiquent qu’ils ont engagé une action en justice en réponse aux accords adoptés par l’assemblée de LaLiga concernant le projet dit « Impulse » que La Liga a l’intention d’entreprendre avec le fonds de capital-risque CVC, car il s’agit d’une transaction illégale qui cause un préjudice irréparable à l’ensemble du secteur du football espagnol et qui viole de manière flagrante les principes les plus élémentaires du droit sportif espagnol et les statuts de LaLiga », publiaient les 3 clubs dans un communiqué commun le 15 décembre dernier. Les trois formations historiques du championnat ont d’ailleurs présenté un autre projet financé par JP Morgan, le Proyecto Sostenible, qui se veut plus avantageux pour les clubs sur le papier

Un accord forcé ?

Il faut aussi signaler que, dans le cas des Blaugranas et des Merengues, il y a cette histoire de Super League en fond, puisqu’un tel accord les obligerait à rester liés au championnat espagnol, eux qui sont en guerre ouverte avec Javier Tebas en raison de leur volonté de voir ce projet de championnat élitiste fleurir dans les prochains moins. La Fédération a elle aussi communiqué contre ce projet qui, selon elle, sera négatif sur le long terme. Alors que la bataille fait rage, par sorties médiatiques interposées dans les médias affins comme c’est souvent le cas chez nos voisins espagnols, l’Assemblée de la Liga a encore validé le projet le 10 décembre dernier.

Que va-t-il se passer donc ? Il faudra d’abord voir comment prend forme la plainte des contestataires devant la justice, puisqu’on rappelle qu’en plus du fait que le deal soit considéré illégal par certains rebelles, les clubs, bien que majoritairement favorables, n’ont pas eu leur mot à dire. Une question que se posent beaucoup : le Barça, l’Athletic et le Real Madrid toucheraient-ils l’argent de CVC une fois que l’accord sera mis en place ? Visiblement, la tendance serait plutôt au non, mais ceci ouvrirait encore une infinité de polémiques et de problématiques, puisque l’argent prélevé à la Liga et aux droits TV est, en partie, de l’argent qui devrait revenir aux trois clubs cités ci-dessus. Un sacré bordel, n’ayant pas peur des mots, dont on est tant friand en Espagne… On en saura donc plus dans les prochains mois !

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