Pourquoi le 3-5-2 tient la route pour affronter la Suisse
Sortie en tête du Groupe F, l’équipe de France va retrouver la Suisse en huitièmes de finale de l’Euro 2020, ce lundi 28 juin. Cependant, Didier Deschamps devrait vraisemblablement faire sans ses deux latéraux gauche, blessés. Dans ces conditions, il est possible que le sélectionneur des Bleus opte pour un 3-5-2, qui serait cohérent à bien des égards. Explications.
« Le plus inquiétant, c’est Lucas Digne. Parce que c’est une blessure musculaire, il a senti tirer derrière la cuisse. Pour lui ce sera très compliqué (pour la suite de l’Euro). On verra bien dans les prochains jours mais bon. Quand il y a une blessure musculaire aux ischios, ce n’est jamais bon signe. Lucas Hernandez avait un petit souci à son genou qui a un peu réagi donc je n’ai pas voulu prendre de risque. Malheureusement dans le même match, j’ai perdu les deux. À voir pour Lucas Hernandez dans les prochains jours. »
En conférence de presse d’après-match, Didier Deschamps semblait un tantinet abattu concernant les blessures de ses deux latéraux gauche avant d’attaquer la phase à élimination directe de l’Euro 2020, qui commencera dès ce lundi 28 juin par un huitième de finale contre la Suisse. Après avoir opté pour un 4-4-2 losange mouvant contre l’Allemagne et la Hongrie puis un 4-3-1-2 asymétrique contre le Portugal, le sélectionneur des Bleus pourrait ressortir son 3-5-2, qu’il avait utilisé contre l’Albanie en novembre 2019 et contre la Suède en septembre 2020. Un dispositif tactique qui pourrait résoudre plusieurs problèmes.
Combler l’absence d’un vrai latéral gauche en ajoutant un troisième défenseur central et un piston plus offensif
51e minute contre le Portugal, Lucas Digne s’allonge le long de la ligne de touche. Le joueur d’Everton s’est blessé aux ischio-jambiers et doit être remplacé. Lucas Hernandez déjà sorti à la pause, Didier Deschamps consulte son adjoint Guy Stephan et appelle Adrien Rabiot. L’ancien Parisien, qui n’a jamais joué auparavant au poste de latéral gauche, se sent apte à occuper cette position et entre dans la minute suivante en jeu. Étonnamment, il a plutôt donné satisfaction en montrant beaucoup d’entrain des deux côtés du terrain, se permettant même quelques percussions balle aux pieds qui ont fait du bien aux Bleus. De quoi lui permettre d’occuper ce poste lors du prochain match ?
Si l’hypothèse mérite d’être soulevée, une autre option est envisageable : passer à trois défenseurs centraux et faire jouer Adrien Rabiot un cran au-dessus en piston gauche. Dans cette configuration, l’habituel milieu de terrain serait couvert directement dans son dos par un défenseur voire par un des milieux défensifs. Il aurait ainsi le loisir de se projeter vers l’avant sans trop avoir à se soucier de ce qu’il se passe derrière lui en cas de contre-attaque. Contre le Portugal, son positionnement défensif parfois approximatif et sa tendance à jouer très haut auraient pu être mieux exploités par l’adversaire. Contre la Suisse, en tant que piston gauche, il pourrait rééditer ce qu’il a bien fait avec ballon contre le Portugal mais dans des conditions encore meilleures.
Dans un 3-5-2, Adrien Rabiot pourrait effectuer des projections balle aux pieds tout en étant couvert dans son dos par l’axial gauche (Kimpembe) voire par Kanté
Avoir Adrien Rabiot en piston gauche serait par la même occasion intéressant pour la couverture défensive de Kylian Mbappé, l’électron libre du couloir gauche. L’attaquant du PSG serait donc couvert par Adrien Rabiot, qui lui serait couvert par l’axial gauche (Kimpembe ou Lenglet), qui lui-même serait couvert par le défenseur central. Un équilibre qui plaît généralement à Didier Deschamps, qui pourrait aligner un piston plus offensif à droite.
Le fait d’avoir Adrien Rabiot en piston gauche permettait une bonne couverture de Kylian Mbappé, qui est un élément offensif libre et crucial pour les Bleus. Derrière Rabiot, plusieurs couvertures mutuelles pourraient s’effectuer très facilement et naturellement
Coman pour dynamiter le côté droit des Bleus ?
Entré en jeu à la 66e minute contre le Portugal, Kingsley Coman a disputé ses premières minutes lors de l’Euro 2020. En moins d’une demi-heure, l’ailier du Bayern Munich a montré de très belles choses et a amené de la percussion qui manquait cruellement au couloir droit des Bleus depuis le début de la compétition.
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Que ce soit dans le 4-4-2 losange mouvant ou dans le 4-3-1-2 asymétrique, le côté droit des Bleus a manqué d’étincelles comparé au couloir opposé. Cela s’explique par le profil défensif des hommes alignés à droite, Pavard, Koundé en latéraux et Tolisso en milieu de terrain excentré, et le profil plus offensif des joueurs alignés à gauche avec Mbappé, Digne et Hernandez (qui avec l’équipe de France se projette énormément vers l’avant comme on l’a vu lors du but contre l’Allemagne).
Pour ajouter de l’incertitude chez l’adversaire et de la diversité à son attaque, Didier Deschamps pourrait donc décider de faire évoluer Kingsley Coman en tant que piston droit et qui, comme Rabiot, serait couvert par un défenseur dans son dos voire un milieu de terrain par palier ses éventuelles failles sur le plan défensif.
En tant que piston droit, Coman pourrait effectuer des un-contre-un, phase où il excelle, tout en étant couvert dans son dos par un défenseur central Illustration des couvertures mutuelles (les directes en vert et les indirectes en bleu ciel) qui s’effectueraient dans ce dispositif en 3-5-2
Évidemment, l’autre option serait d’aligner Léo Dubois en piston droit, plus habitué à évoluer à ce poste que ce soit avec l’équipe de France ou avec l’Olympique Lyonnais mais ce dernier n’apporterait pas la même percussion qu’un Kingsley Coman et serait aussi largement moins efficace dans le dernier tiers du terrain et la surface de réparation adverse.
Une autre option possible serait de voir Leo Dubois en piston droit Autre option possible avec Pavard en axial droit pour soutenir Coman Et une autre option avec Pavard en piston droit avec l’ajout de Clément Lenglet en axial gauche
Vu que Kingsley Coman ne rechigne pas à effectuer les tâches défensives et qu’il tient généralement bien son couloir, il demeure donc une option plus que crédible à ce poste et dans la durée si ce dispositif venait à être complètement adopté pour le reste de la compétition. Ce qui n’est pas probable aujourd’hui mais qui semble en tout cas idéal contre la Suisse.
Un 3-5-2 pour bloquer un autre 3-5-2
Face au 3-4-3 allemand et au 3-5-2 hongrois, Didier Deschamps n’avait pas changé sa structure en conservant son 4-4-2 losange mis en place durant les matches de préparation. S’il a donné pleinement satisfaction contre l’Allemagne grâce à l’incroyable énergie et la force dégagées par ses joueurs dans les duels, il a été nettement moins convaincant face à la Hongrie.
Généralement, les systèmes à trois défenseurs et deux pistons créent un désavantage structurel pour une équipe qui défend avec deux lignes de quatre ou un milieu en losange, puisque les pistons vont s’intercaler entre un milieu excentré et un latéral, ce qui va créer des brèches dans la défense.
Face à un 3-5-2, un dispositif en 4-4-2 losange peut poser des problèmes quand les pistons adverses sont touchés car si le latéral sort, cela crée une brèche entre son central et lui pouvant être exploitée par l’adversaire
Contre la Hongrie, les Bleus s’étaient justement faits piéger de cette manière avec un simple renversement de jeu vers le piston gauche Fiola, qui a causé des désagréments dans la défense française.
Le but hongrois inscrit contre la France est parti d’un renversement de jeu de Nagy vers le piston gauche Fiola. Aligné avec ses partenaires de la défense au départ de l’action, Pavard va sortir sur le piston hongrois
Quand Fiola contrôle le ballon, Pavard est déjà sorti sur lui et une brèche s’est créée entre lui et Raphael Varane
La brèche est exploitée par Fiola, qui se projette vite dans le dos de Pavard après un simple appui avec un partenaire en relais
Cette brèche aurait été colmatée avec l’ajout d’un troisième défenseur central (cercle rouge)
Face à la Suisse, la France va de nouveau affronter un dispositif en 3-5-2. Pour éviter les mêmes erreurs que face à la Hongrie, jouer soi-même en 3-5-2 demeure plus adapté car les éventuelles brèches structurelles sont automatiquement annulées de par la disposition des joueurs sur le terrain. De plus, qualitativement, dans les oppositions directes, le 3-5-2 français est supérieur au 3-5-2 suisse sur le papier.
Voici un exemple de couverture dans un 3-5-2 avec l’annulation d’une éventuelle brèche créée par le piston sur les côtés Le 3-5-2 français et sa supériorité qualitative sur le papier face au 3-5-2 suisse Le 3-5-2 français pourrait aussi être asymétrique avec du déséquilibre à droite et de l’équilibre à gauche pour masquer l’absence d’un vrai latéral
Ce dispositif donne donc aussi l’opportunité à Didier Deschamps de conserver son trio d’attaque Griezmann-Mbappé-Benzema tout en conservant, selon l’animation, le côté asymétrique qu’il affectionne tant. De quoi faire pencher définitivement la balance pour le 3-5-2 contre la Suisse ? Pour avoir la réponse, il faudra attendre ce lundi soir (21h) à l’Arena National de Bucarest.